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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

accident de sa jeunesse. On sent que ces faits anciens ont leur caractère propre, que les hasards d’une destinée particulière se rattachent alors à certaines conditions générales de l’humanité, et que, chez ceux qui sont le jouet des événements ou appliquent leur esprit aux problèmes de la philosophie, le fond de l’âme est touché.

D’après le témoignage qui paraît le plus autorisé, Épicharme à peine né, à l’âge de trois mois, fut transporté de Cos, sa patrie, dans la ville sicilienne de Mégare. Une autre tradition ne lui fait accomplir ce voyage que plus tard, avec un certain Cadmus, son compatriote, qui suivit en Sicile une colonie de Samiens. Cette question de date ne se peut résoudre avec certitude ; mais ce qu’il y a là de plus intéressant, c’est le fait et les conditions sociales auxquelles il se lie. Il est curieux de voir ainsi la vie des poètes et des penseurs impliquée dans ces migrations qui transportent les Grecs d’un bout à l’autre de leur mer, la Méditerranée. Les causes de ces migrations sont le plus souvent violentes. Les conquêtes ou les menaces du dehors, les dissensions intérieures, l’établissement des tyrannies, souvent ambitieuses et cruelles, amènent des révolutions et des changements de patrie. Les Grecs se lancent sans hésiter dans ces lointains voyages : toujours l’inconnu les a tentés, sans que les terreurs de leur imagination réprimassent cette