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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/191

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L’ANTIGONE DE SOPHOCLE

politique. On ne peut donc admettre, comme fait général, l’antagonisme de la loi religieuse et de la loi de l’État. Un conflit n’est pas impossible, mais c’est par une dérogation à l’ordre. Il a pu arriver que le droit de la patrie, se cherchant encore lui-même, ait prétendu, pour punir un enfant rebelle de la cité, annuler, au nom d’une religion plus générale, la religion de la famille ou en suspendre l’action ; mais cette prétention, d’après le sens des antiques légendes, est condamnée par les dieux. Les divinités augustes qui président au culte de la famille n’admettent point de distinction. Il faut que les honneurs funèbres soient rendus à Polynice ; il faut que les droits des divinités de la mort soient respectés :

« … (Bientôt) toi-même, de ton propre sang, pour prix des morts tu donneras un autre mort, car tu as fait descendre dans les ténèbres ce qui appartenait à la lumière, ton outrage a donné un tombeau pour demeure à la vie, et, d’un autre côté, tu gardes ici un mort, privé des honneurs funèbres et des rites sacrés, retenu loin des divinités infernales. Or sur leur domaine tu n’as aucun droit, ni les dieux supérieurs non plus, à qui tu fais violence. Aussi les Érinnyes vengeresses, ministres funestes d’Hadès et des dieux du ciel, te guettent pour te saisir et t’envelopper dans ces mêmes maux que tu as faits. »

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