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L’ANTIGONE DE SOPHOCLE

elle assurément qui fait l’unité du drame, et Sophocle a eu le dessein bien arrêté de rester fidèle à la pensée antique, à la pensée grecque et athénienne.

En veut-on une autre preuve ? L’ancienne légende épique, conservée d’après l’opinion de Boechk lui-même par Apollodore, racontait qu’Antigone avait été enfermée par Créon dans le tombeau où elle avait enseveli Polynice, sans doute le tombeau de famille. Or Sophocle avait conçu le rôle d’Antigone de telle sorte que ce tombeau disparaissait : c’était dans la plaine nue, à ciel ouvert, que la jeune fille accomplissait hardiment pour son frère les rites incomplets des funérailles. Cependant le poète n’a pas voulu renoncer à l’idée traditionnelle : il a tenu à ce que cette victime de la piété envers les morts fût ensevelie vivante dans un tombeau, et il en a inventé un d’une espèce nouvelle, dit-il lui-même, cette caverne qu’il désigne avec une richesse d’expressions figurées où se mêlent à la description matérielle la pensée de l’hymen interrompu d’Antigone et celle de sa mort. Ce tombeau de son invention lui a servi pour le supplice de la victime et pour la punition du bourreau. Ainsi s’est retrouvée dans toute sa force, exprimée sous sa forme la plus sensible, l’idée fondamentale du drame, qui repose tout entier sur la religion de la famille. Créon expie par la mort