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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/199

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L’ANTIGONE DE SOPHOCLE

des lois contraires à sa foi, ni le soin d’une vie qu’il brûle de sacrifier. Qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’il ne soit pas compris de la foule, et en quoi sa valeur en est-elle diminuée ? Encore une fois, l’intention bien marquée de Sophocle est de diriger notre principal intérêt sur Antigone, la fille pure de l’incestueux Œdipe, la victime fatalement désignée, elle aussi, mais qui relève les siens par la noblesse de son sacrifice, par l’admiration et par la pitié qu’elle inspire.

Nous ne prétendons pas faire une analyse complète de la pièce de Sophocle, ni même seulement du rôle d’Antigone. Une étude quelque peu précise nous entraînerait dans un détail infini et ne saurait se passer du texte original. D’ailleurs le principal sur ce rôle a été dit, et excellemment, par des critiques français dont il est bon de rappeler le souvenir en face de ces erreurs d’une partie considérable de la critique étrangère. Nous avons voulu seulement insister sur deux points. Il nous a paru nécessaire de faire ressortir, plus qu’on ne l’avait fait jusqu’ici, la valeur tout antique qui appartient dans la pièce à la religion des morts et de la famille, et de montrer nettement qu’elle en contient la pensée fondamentale et l’unité. Ce point de vue antique a une importance capitale. Faute de s’y placer, on ne comprendrait, chez le même poète, ni l’Ajax, où le goût moderne regrette une double