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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

qu’il ait été un adepte de la doctrine du devenir et fait du changement et de l’écoulement le principe de toute chose, du moins avons-nous la preuve que certains points du système d’Héraclite lui étaient familiers. Dans un dialogue qui mettait en présence les opinions de ce philosophe et, suivant MM. L. Schmidt et Zeller[1], celles des éléatiques ou simplement, comme cela paraît plus vraisemblable[2], les croyances vulgaires, les dieux, tels que les conçoit la pensée philosophique, éternels, ne souffrant ni diminution, ni accroissement, ni changement d’aucune sorte, sont opposés au monde, toujours mobile, surtout aux hommes, dont l’existence est insaisissable au milieu des renouvellements perpétuels qu’ils subissent :

« Tous sont dans le changement à tous les instants de la durée… Toi et moi, nous sommes autres aujourd’hui que nous n’étions hier ; nous serons autres encore, et jamais nous ne resterons les mêmes. »

C’est bien là un écho de la proposition célèbre : « Nous entrons et nous n’entrons pas dans les mêmes fleuves ; nous sommes et nous ne sommes pas. »

Épicharme avait même inventé une forme d’ar-

  1. L. Schmidt, Quæstiones Epicharmeæ, Spécimen I, p. 22 et suivantes. — Zeller, La philosophie des Grecs, traduction Boutroux, t. I, p. 471, note 2.
  2. C’est l’interprétation donnée par M. Lorenz dans son livre sur la Vie et les Écrits d’Épicharme, p. 109.