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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

Cyclopes aient changé d’élément et que l’imagination des Grecs, qui avait vu parmi les sombres nuées se dessiner leur corps gigantesque et briller leur œil unique, ait cru reconnaître leurs formes au milieu des flots dans l’éblouissement de la tempête. Frères de tant de monstres enfantés par la mer, ils se dressaient près des écueils, dans le mouvement des vagues bondissantes, qui, selon une conception mythologique issue de la langue, formaient leurs immenses troupeaux de chèvres.

Ainsi est née la seconde classe de Cyclopes, les Cyclopes homériques, que le poète de l’Odyssée place aux extrémités du monde sur des rivages merveilleux. Polyphême, le premier d’entre eux et leur représentant, est fils de Poseidon et de Thoosa, la nymphe rapide, qui personnifie la course des vagues furieuses et, comme les Gorgones et les Grées, les vieilles dont la blanche chevelure apparaît dans les vagues écumantes, appartient à la monstrueuse et fantastique descendance de Phorcys, le frère et l’époux de Céto. Ce sont donc les flots furieux qui ont jeté ces êtres immenses au milieu des rochers de la côte avec lesquels ils se confondent. Mais la terre, en prenant possession d’eux, les dépouille de leur nature marine. La Sicile, où leur mythe se localise, le pays des pâturages et de la vie pastorale, les transforme en bergers ; bergers sauvages et cruels, il est vrai.