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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

Conservant toute la brutalité des forces physiques, étrangers aux lois humaines et divines, à toute science et à toute industrie, ils errent solitaires dans les vallées et les montagnes, toujours en vue de la mer, leur élément primitif.

Voilà sur quelle conception le poète de l’Odyssée a marqué son empreinte, et son Polyphême s’est conservé pendant des siècles tel qu’il l’avait créé. C’est lui que nous reconnaissons encore dans le Cyclope d’Euripide. Mais, vers le même temps, la poésie dithyrambique s’empare d’un développement sicilien de la légende. Le caractère pastoral de Polyphême se complète ; il chante et il est amoureux : l’objet de sa passion est la nymphe Galatée, et il cherche par ses chants à se consoler des dédains de sa maîtresse. Dès lors il appartient à la poésie bucolique, et il n’est pas surprenant que Théocrite l’ait pris pour sujet dans deux de ses plus belles idylles, la vie et la xie.

Comme il était naturel, c’est le côté pastoral et purement sicilien qui domine chez lui. Les dithyrambiques, Timothée et Philoxène, en traitant le sujet de Polyphême, s’étaient beaucoup moins détachés d’Homère. Le Cyclope du second, où nous savons qu’il introduisait Galatée, donnait, semble-t-il, sous une nouvelle forme, la scène d’ivresse de l’Odyssée, que le drame satyrique d’Euripide avait déjà adaptée au théâtre. Celui-ci faisait chanter