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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/295

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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

exemple. Ils se sont donc appliqués à établir une suite historique entre les différents passages et à les accorder entre eux. Il faut avouer que le résultat de ces efforts est plus singulier que satisfaisant. Il offre d’assez curieux exemples de la dépense d’esprit que peut faire en pure perte une érudition ingénieuse qui part d’un principe faux.

Dans une pièce, la viiie idylle, il est dit que Daphnis, dès sa première jeunesse, devint l’époux de la nymphe Naïs. C’est le nom qu’on retrouve comme celui de sa maîtresse dans l’Art d’aimer d’Ovide. Or des vers d’une autre idylle, la viie, représentent Daphnis se consumant d’amour pour une femme nommée Xénéa. Enfin, dans la ire, il est question d’une jeune fille qui l’aime et « le cherche auprès de toutes les fontaines et dans tous les bois ». Tels sont les trois passages qu’on veut concilier. Par une pensée naturelle, on se reporte, autant que possible, à la légende racontée par Timée et par Diodore de Sicile, celle qui paraît dominer depuis Stésichore, dont la patrie, Himère, était voisine de la région où elle s’était localisée. Au sujet de Naïs, il n’y a pas de difficulté : c’est la nymphe qui, en accordant son amour à Daphnis, lui a fait jurer fidélité. Mais qu’est-ce que Xénéa ? Ne serait-ce point cette princesse dont l’amour peu scrupuleux a causé la faute et la perte de Daphnis ? Cette explication semblerait très admissible, si