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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

sa légende, et, quelle que soit la valeur de ce nom de Xénéa qui a semblé suspect à plus d’un éditeur, la femme qu’il désigne ne doit pas être transportée d’une pièce dans l’autre. En second lieu, — et c’est ici le plus important, car nous entrons dans le fond même de la composition, — ce qu’il y a de remarquable chez Théocrite et ce qui montre bien la supériorité de son esprit, c’est qu’il puise aux vraies sources poétiques, c’est qu’il néglige le roman pour s’attacher à l’idée simple et touchante qui est un des éléments constitutifs de la légende. Dans l’une comme dans l’autre idylle, il peint la douleur de Daphnis partagée par la nature.

La viie idylle ne contient qu’une esquisse en quelques vers. Un chanteur bucolique, dans une fête dont l’imagination goûte les jouissances anticipées, doit dire « comment autrefois le bouvier Daphnis fut épris de Xénéa, et comme il errait agité dans la montagne, et comme les chênes qui croissent aux rives de l’Himère pleuraient sur lui, alors que son cœur se fondait ainsi que se fond la neige dans les vallées du grand Hémus ou de l’Athos ou du lointain Caucase. » Ce ne sont que quelques traits, ou, pour mieux dire, il n’y a, dans cette rapide peinture, que deux objets représentés : l’amant se consumant dans une poursuite vaine, et la sympathie de la nature sauvage. Qu’est-ce d’ailleurs que l’amante ? Elle appartient sans doute