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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

pur, vu dans la réalité des mœurs pastorales. Dans la première idylle, une peinture complètement idéale et merveilleuse de la mort de Daphnis ramène le sujet à sa grandeur primitive et se rapproche en même temps du sens mythologique. Il suffit, pour le prouver, de rappeler les lignes principales de cette poétique complainte.

Daphnis meurt dans une vallée de l’Etna. À ses pieds sont couchés ses vaches, et ses taureaux, et ses génisses, qui pleurent sur sa mort, et à leurs lamentations se mêlent les hurlements des chacals, des loups, des lions dans leurs fourrés, tant il est en étroite communion avec la nature animale et sauvage ! Les nymphes aussi devraient être près de lui : « Où étiez-vous, ô nymphes, où étiez-vous lorsque Daphnis languissait consumé ? Était-ce dans les belles vallées du Pénée ou dans le Pinde ?… » C’est le début même du chant. Et, en effet, à qui plus qu’aux nymphes appartiendrait-il de soulager son mal ou d’adoucir sa mort ? C’est leur absence qui la rend le plus douloureuse. Du moins viennent près de lui tous les bergers et des divinités pastorales, son père Hermès et Priape. Tous l’interrogent sur la nature de son funeste amour. Lui ne répond rien, noble et décidé à se laisser mourir. Il ne répond pas même à Priape, dont les attaques brutales voudraient l’atteindre jusqu’au fond de ses sentiments.