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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

traits nets et expressifs ce qui en fait le charme particulier et le fond propre : les intimes rapports de ce héros de la vie pastorale dans l’Etna avec la nature qui l’entoure, et sa pureté, qui éclate même dans sa passion. Le chant de Daphnis, si hardiment idéal sous sa forme aisée et touchante, est une des œuvres les plus vraiment grecques que nous possédions.

Si vous passez de Théocrite à Virgile, déjà quelle différence ! Il est vrai que le poète latin nous donne une composition beaucoup plus complexe, qui comprend, avec la mort de Daphnis, son apothéose et une allégorie. Il a le mérite de réunir ces divers éléments par un art ingénieux et de réussir, sous l’inspiration du modèle grec renouvelé dans le détail, à y faire dominer la grâce pastorale. Mais Daphnis ne pouvait gagner à devenir un déguisement de Jules César. Quelque soin que l’on mette à conserver certains éléments de la légende primitive, quelques embellissements qu’on y ajoute pour rendre le berger sicilien digne de sa nouvelle fortune, il intéresse moins que dans sa simplicité première. On a beau faire de lui presque un second Bacchus et le ranger, ou peu s’en faut, parmi ces héros conquérants et bienfaiteurs que l’adulation commençait à rapprocher de Jules César et de son fils adoptif ; on a beau faire acclamer sa divinité par l’allégresse de toute la nature, avide de paix et de