un peuple ? Où sont cette culture, ce goût naturel, ce sens supérieur de l’humanité, qui faisaient du dernier des auditeurs de Pindare ou de Sophocle un Hellène, c’est-à-dire un juge prêt à se passionner pour les beautés supérieures de l’art et pour les grands sentiments ? Le poète vit d’une vie factice ; il ne pénètre pas plus dans les réalités tragiques du palais qu’il ne se mêle à la foule ; et il écrit pour un cercle. Ses auditeurs sont des lettrés et des délicats ; il travaille dans une bibliothèque, et il a pour Muse l’érudition ; ses conditions de succès sont, avec une certaine habileté technique et la science grammaticale, la grâce et l’esprit. Enfin si, dans ce monde artificiel où son existence est confinée, il rencontre la réalité, ce sont les mœurs galantes de la société qu’il voit, c’est l’amour, qui la lui fourniront.
M. Couat, l’auteur d’un travail considérable et approfondi sur la poésie alexandrine[1], a bien fait de commencer par un chapitre général où il parle d’Alexandrie et du Musée. C’était l’introduction la plus naturelle. Il s’est ainsi bien rendu compte de la nature et des conditions de l’alexandrinisme, et il a tiré de là des vues principales qui font la suite et l’unité de son livre. Peut-être y aurait-il lieu de
- ↑ La Poésie alexandrine sous les trois premiers Ptolémées, par M. Auguste Couat, doyen de la Faculté des lettres de Bordeaux. Paris ; Hachette, 1882.