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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/353

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L’ALEXANDRINISME

qui ne se révèle qu’aux grands artistes ; il a peu de ces expressions concises qui abondent chez Virgile, de ces mots qui font pénétrer au fond de l’âme et ouvrent d’un seul coup à l’imagination la vue de toute une scène. Ce n’est pas non plus qu’il ne nous montre les gestes et les attitudes de ses personnages. Il y a, au contraire, chez lui, une plastique très étudiée. Voici Médée après ces effusions où sa passion s’est livrée tout entière à l’étranger dont elle s’est faite la complice contre son père. Elle est revenue chez elle sans avoir conscience de ses mouvements, sans voir ses compagnes qui l’entourent, sans entendre sa sœur qui lui parle. Rentrée dans sa chambre, « elle s’assit sur un siège bas au-dessous de son lit, penchée de côté et la joue appuyée sur la main gauche ; les yeux humides de larmes, elle pensait à quelle action coupable elle avait associé son dessein. » On ne peut nier que cette gracieuse recherche du détail pittoresque, tout à fait dans le goût d’Euripide, ne soit expressive ; mais le grand art antique, sans s’occuper en détail de l’expression, sans même tracer le contour des figures, en imprimait plus profondément l’image dans l’esprit : tant le dessin général des scènes était net et fortement conçu ! Virgile trouvera moyen de rentrer dans cette grande tradition.

Avec cette grâce minutieuse d’imagination descriptive vont bien certaines délicatesses qui rédui-