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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

de cet arrêt de la destinée ; Junon le lui apprend, en lui demandant ses bons offices pour que les Argonautes traversent impunément les Roches errantes, et, comme Médée est sur le navire Argo, elle use par anticipation de cet argument inattendu : « Belle-mère, secours ta bru ! »

Quant au mariage avec Jason, le seul auquel pense Médée, elle l’obtient enfin, mais au prix de quelles angoisses et sous quelle triste impression de nécessité ! Tout d’un coup, pendant la nuit, Jason apprend que, s’il n’a pas épousé Médée avant le lendemain matin, le roi Alcinoüs ne s’opposera pas à ce qu’elle soit emmenée par la nombreuse armée qu’Éétès a envoyée à sa poursuite. Il faut rendre à Jason la justice de dire qu’il ne fait aucune difficulté ; mais on avouera que ce mariage improvisé par contrainte est médiocrement favorable à la dignité des deux amants. Et pourtant on aurait tort de prêter ici à l’auteur l’intention d’humilier complètement son héroïne. C’est, au contraire, le moment où s’arrête cette pensée morale, qui paraît l’avoir guidé jusqu’ici. Le fratricide est expié ; les rites de l’expiation, minutieusement décrite, ont été accomplis dans le palais de Circé ; Médée a recouvré son innocence, et, avant de l’abandonner à sa sombre destinée au delà des limites du poème, Apollonius se croit libre de faire du mariage lui-même une scène brillante où il