Aller au contenu

Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
348
ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

voisines. Les mains chargées de fleurs, elles s’approchent timides, n’osant céder à leur envie de toucher à la divine toison, et déploient au-dessus des époux leurs voiles parfumés.

Après les descriptions développées d’Apollonius, il est curieux de lire les neuf vers où Virgile a enfermé sa puissante imitation ; non pas pour comparer, car son dessein est très différent, et les traits qu’il imite avec le plus d’exactitude n’appartiennent même pas à ce passage des Argonautiques ; mais pour reconnaître une fois de plus combien son œuvre, indépendamment de la beauté supérieure des vers, vaut par une harmonie de composition qui vient avant tout d’une conception forte et une. Et cependant ici il plie la religion à ses combinaisons particulières avec une liberté au moins égale à celle des alexandrins. Il donne à Junon, qui préside à l’union d’Énée et de Didon comme à celle de Jason et de Médée, le nom respecté de Pronuba, un de ceux qu’elle porte comme déesse du mariage légitime, précisément au moment où elle assure le succès d’une surprise de l’amour et emprunte le rôle de Vénus. De la part du pieux Virgile, la hardiesse est assez grande. Cette confusion volontaire qu’il fait dans un passage capital ne trompe ni Didon elle-même, malgré ses efforts pour s’abuser, ni surtout Énée, qui ne sait que trop nettement la valeur d’un tel enga-