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L’ALEXANDRINISME

gement ; il faut croire cependant qu’elle trompe le lecteur, car elle n’a été relevée par personne. C’est que l’imagination est fortement saisie par le trouble de la nature, que Junon, fidèle cette fois à son caractère, associe à cette funeste union, accomplie au milieu des bruits de la tempête et des hurlements des nymphes sur les montagnes, et par l’entraînement fatal de la passion. L’équivoque calculé du poète disparaît dans le mouvement qui emporte tout. La Didon de Virgile, toutes les fois qu’il s’est souvenu d’Apollonius, nous ramène invinciblement à elle et nous retient. Il est à remarquer que cet amour, qui n’était qu’un épisode et tenait beaucoup moins au fond du sujet dans l’Énéide que celui de Médée dans les Argonautiques, y est rattaché par des liens si intimes qu’il fait corps avec le poème. Il n’en est pas seulement la partie la plus originale et la plus touchante ; il se confond avec l’idée principale, l’idée de la fondation et des destinées de Rome, qu’il exprime sous sa forme la plus dramatique, en intéressant au plus puissant obstacle qui ait pu les empêcher.

Il serait facile de multiplier ces observations auxquelles la Médée d’Apollonius prête, soit par elle-même, soit par les rapprochements qu’elle suggère. Ce qui serait plus important, ce serait d’insister sur un examen de la langue et de la