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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/112

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les seines, les filets, les voiles, c’est toute leur fortune.

Et les voilà qu’ils courent dans la tempête.

Arriveront-ils à temps pour rattraper leurs barques et les mettre à l’abri du vent, à l’ouest du barachois. ?

Les éclairs déchirent en zigzags les nues noires. Menaçantes comme des fauves, les vagues se ruent en montagnes écumantes contre la falaise, où elles se brisent avec un sonore fracas.

Débarrassées de leurs ancres, les embarcations sont emportées au large par le déchaînement de la tempête.

Les femmes, à l’église, supplient l’Étoile de la Mer et le Dieu qui commande aux flots, d’avoir pitié de leurs hommes et de leurs gars.

Pas une, cependant, ne prie avec autant d’ardeur que Françoise qui, à genoux aux pieds de la Vierge blonde comme elle, laisse tomber sur les grains de pierre bleue de son chapelet des larmes d’amour et d’effroi.

Les pêcheurs, maintenant, sont arrivés sur la grève, balayée jusqu’à la côte du Portage par des houles d’un vert sinistre et magnifique.

Alors, ces héros obscurs de la mer, ces vaillants qui bravent les fureurs de la gueuse pour gagner le pain de tous les jours, s’efforcent de mettre à l’eau leurs flats, afin d’atteindre leurs barques.

Vingt fois ils s’élancent, vingt fois la mer les rejette violemment sur la grève rocailleuse.

Les uns après les autres parviennent enfin à lancer leurs embarcations à la mer.

Chaque vague menace de les engloutir.