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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/131

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Et la malade, passant ses bras amaigris autour du cou du vieillard, le baisa au front. Sans laisser aller le père attendri, elle l’attira tout près d’elle, et lui souffla à l’oreille comme si elle eût craint le son des paroles qu’elle allait prononcer :

— Ah ! papa, si tu voulais, je serais si heureuse ! si heureuse ! répéta-t-elle avec mélancolie.

Le vieux ne répondit pas. Seulement, il se détourna très vite, car un pleur venait de mouiller sa joue ridée.

***

Quand Narcisse Bigué arriva à l’église, la messe commençait. Tous les fidèles étaient rendus. Il traversa la nef et alla s’agenouiller dans le premier banc, voisin de celui de Noé Brunel. Le maître-autel était éblouissant avec sa nappe dentelée d’une blancheur éclatante, sa profusion de beaux cierges ouvragés, ses fleurs artificielles aux couleurs chatoyantes et ses plantes naturelles prêtées par les villageois, ses lampes bleues, rouges, roses, aux clinquants prismés qui brillaient comme des diamants. Dans la porte entr’ouverte de la sacristie, des petits servants de messe, en surplis de dentelle, activaient le feu des encensoirs. La somptueuse et lourde chasuble d’or de l’officiant, merveille sortie des doigts habiles et religieux de quelque nonne dans l’obscurité laborieuse du cloître, étincelait sous la multiplicité des