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LA FILLE DU POCHARD



Le soir tombait tristement, comme tout soir d’hiver.

Et cependant, on était à la veille de Noël, il y a de cela deux ans, une veille de Noël froide et ensevelie dans la neige.

Tourneur de son métier, Leroux était parti depuis le matin.

Or, la grève des tourneurs battait son plein et les syndicats battaient le pavé.

Toute la journée, Leroux, dont le socialisme consistait dans la haine du riche et l’amour du whiskey, avait braillé, dans une salle enfumée, sa rancœur contre le capital et les trusts.

À force d’aspirer de la fumée âcre et de vociférer : « À bas la canaille ! Mort aux riches ! » on finit par s’assécher le gosier. Aussi l’ouvrier tourneur avait-il cru de bonne politique, en compagnie de quelques chômeurs, de faire halte à la buvette du coin.