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Elle était grande et mince ; pauvrement et proprement vêtue de deuil.

De ses grands yeux de velours noir, divinement beaux, deux larmes roulaient le long des joues pâlies.

Marius devina l’abîme que masquait ce fier silence.

L’intérieur, deux uniques pièces, mal éclairées, d’une indigence visible, mais tenues avec propreté par l’orpheline ; les deux enfants, en noir eux aussi, — un deuil récent, sans doute — qui poussaient dans une crainte exagérée du père ; l’ivrogne qui cuvait son whiskey dans ce coin ; pas de feu, pas de pain, encore moins de Santa Claus pour les petits…

Et toute cette misère à cause de cette crapule qui arrache le pain de la bouche de ses enfants transis par la bise pour s’emplir d’alcool !…

Et cette honte dans la grande, l’unique nuit de Noël !

— Veuillez m’attendre, mademoiselle, dit-il, en caressant les jolies têtes blondes qui faisaient comme un bas-relief à un monument de beauté, d’amour et de dévouement. Je reviendrai ce soir, ajouta-t-il en sortant précipitamment dans la nuit.

Une heure plus tard, Marius était de retour, le front rayonnant comme l’amoureux qui vient de recevoir le premier baiser.

De ses bras encombrés glissèrent des paquets de toutes formes et de toutes dimensions.

— Tenez, mes chérubins, dit-il, en déficelant les paquets, j’ai rencontré le bon vieux Santa Claus… Cinq