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levait les yeux au ciel, et remerciait Dieu de l’avoir faite désirable et gardée bonne.

Soudain, elle sentit son cœur lacéré par des pointes de fer, ses jambes fléchir, sa gorge sèche…

Un nuage de deuil passa devant ses yeux, et, les tempes moites, elle s’appuya, pour ne pas tomber, à un tronc d’arbre…

Au détour de la route, elle a surpris Toinette emportée dans les bras de Julien vers la mince cascade qu’on appelle le chaudron…

Malgré l’atroce brûlure qui la consume, comme la torche que le tortionnaire appliquait à la poitrine de la martyre de la Rome païenne, elle veut tout voir, tout, tout…

C’en est trop…

Elle s’affaisse sans vie dans un massif d’arbustes…

Quand la pauvre enfant reprit ses sens, la pluie, devenue froide par le vent qui se faisait, tombait à torrents.

Oh ! le long calvaire, l’interminable chemin du retour à la maison !

La robe noire ruisselante, collée sur le corps gracile et charmant, les longs cheveux dénoués sur les épaules, les pieds pataugeant dans la boue, et choppant contre les pierres de la route, elle allait inconsciente du monde extérieur, comme poussée par la fatalité, les yeux secs et brillants, les lèvres blanches, les joues d’albâtre…