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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/19

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grand-oncle Auguste n’était pas un Thersite, pour preuve qu’il avait risqué sa peau, mais, comme on dit, contre la force pas de résistance. Il se laissa mettre la main au collet. Bref, pour piquer au plus court de mon histoire, comme on dit, il fut déporté aux Bermudes avec les autres patriotes, et avec son castor qu’il n’avait pas voulu abandonner, le cher homme.

De retour d’exil, il ne vécut que trois ans, et légua son castor à son fils Jérémie qui, moyennant la somme de trois louis deux schellings, le céda à mon père lors de son voyage à Saint-Eustache. Et, comme de bonne, quand défunt mon père mourut, que le bon Dieu ait son âme en son saint paradis, comme on dit, il me laissa le castor de Chénier, avec la maison et la terre. Comme vous savez, je me suis départi de la terre, mais j’ai gardé le castor et la maison.

Le maréchal avait cessé de faire fonctionner le soufflet. Il demanda :

— Et quand vous défuntiserez, qu’est-ce que vous en ferez de vot’castor ?

Mon oncle Césaire n’hésita pas une seconde :

— Je veux qu’on m’enterre avec, dit-il d’un ton mêlé d’assurance et d’émotion.

Lucien Gagnon ne répondit pas, mais un éclair fauve venait de briller dans ses prunelles douces. Il sortit le fer rougi à blanc, et, pour cacher ses impressions, se mit à frapper avec frénésie, penché sur son enclume.

***