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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/55

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toujours triste comme un mois d’hiver ; j’ignore si le printemps y rentrera jamais ?

Oui, tu peux quelque chose, beaucoup, pour moi.

— Parle !

— J’aime Biche-Blanche, ta fille. Je voudrais en faire la joie et l’orgueil de mon wigwam. Donne-la moi. Que veux-tu en retour ?

Un feu sombre traverse alors la prunelle fauve d’Aontarisati, qui réplique :

— Biche-Blanche est tienne, mais à une condition.

— Laquelle ? Je suis prêt.

— Que tes oreilles s’ouvrent toutes grandes à mes paroles ! C’est au risque de mes jours que j’ai mérité Nénuphar-du-Lac, mère de Biche-Blanche. Fais de même.

— Commande, j’obéirai.

— Demain, peut-être, nous nous mettrons en route pour surprendre et attaquer les visages-pâles. Accomplis un exploit qui te fasse envier de tes compagnons d’armes, et Biche-Blanche t’appartiendra.

— Ah ! pourquoi donc toujours les visages-pâles ? reprend Andioura avec lassitude. Pourquoi pas les Hurons, les Montagnais, les Algonquins ? N’en avons-nous pas assez versé déjà de ce sang des Français ?

— J’ai dit ! interrompit fièrement le sagamo des Agniehronnons en retournant à son wigwam.

Andioura, près du brasier refroidi, veillait encore, les yeux vers l’infini, que les étoiles s’éteignaient une à une dans l’aube embrumée.