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le matin on viendrait travailler à ces champs. Alors, les dix hommes d’Andioura devaient s’élancer sur les cultivateurs, les faire prisonniers, les embarquer dans leur canot et les promener devant le fort, afin d’inciter les Français à se porter à leur secours. Alors, les onze canots en embuscade de l’autre côté du fleuve iraient rejoindre Andioura.

Or, voici ce qui devait arriver.

Les habitants des Trois-Rivières, au comble de l’excitation, se porteraient en masse sur les bords du fleuve, qui pour combattre, qui pour assister à la bataille. Alors, les guerriers d’Aontarisati, formant le gros de la troupe, sortiraient de leur cachette et s’élanceraient sur la ville dégarnie de combattants.

Le lendemain, dans le calme religieux du matin, alors que le soleil montait radieux dans un azur d’une limpidité charmeresse, deux hommes quittaient le parvis de la chapelle de la Conception.

Ils s’entretenaient d’une voix amicale en se dirigeant à pas lents vers l’endroit où les dix Agniehronnons étaient en embuscade sous la conduite d’Andioura.

L’un des deux hommes était petit de taille. Il avait les membres frêles, le dos légèrement voûté, la figure mince, encadrée d’une forte barbe grisonnante, le front traversé d’une balafre.

Il portait la soutane du Jésuite.

C’était le Père Buteux.

La cicatrice, dont sa figure hâlée était embellie, et ses doigts mutilés, chantaient les souffrances passées du missionnaire.