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Si la taille était grêle, le dos voûté, en revanche, la flamme et la détermination qui brillaient dans le regard montraient chez cet homme de Dieu un courage et une énergie plus qu’humains.

Son compagnon était grand et robuste. La figure, complètement rasée, était encadrée d’une chevelure qui retombait sur les épaules en lourdes tresses blanches.

En dépit de cette neige et des rides du front nuageux, des plis amers qui s’étaient formés aux commissures des lèvres fines, cet homme ne devait pas être très âgé.

Tous ses traits, en effet, portaient une empreinte de jeunesse et de bonté mêlée de force. Son pourpoint et ses hauts-de-chausse taient de velours noir. À son côté pendait une longue rapière, et à sa ceinture brillait le canon d’un pistolet. Ses bottes de cuir noir étaient tout humides de la rosée du matin.

Le comte de Champflour — c’était lui — ne dépassait guère quarante ans. Depuis le rapt de son fils Jean qu’il croyait mort, il n’avait pas quitté ses habits de deuil.

Plusieurs fois on lui avait offert en France et au pays des postes enviables. Le comte avait demandé de demeurer aux Trois-Rivières, dans l’espérance de retrouver son fils.

Et, tout espoir perdu, M. de Champflour avait conçu pour l’Iroquois une haine telle qu’il avait juré de finir ses jours en lui faisant la guerre sur le théâtre même où son fils avait péri.

— Comment est Madame la comtesse, ce matin ? demanda le Père Buteux.