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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/98

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Les seines décrivent dans la baie de larges cercles qui vont en se rétrécissant, et quand, enfin, les seineurs se sont rapprochés jusqu’à se toucher du coude, c’est une pluie de diamants qui s’abat sur la grève, à cause de la phosphorescence de la mer.

Emprisonnés dans les mailles étroites, il y a des harengs au dos d’argent, des truites aux écailles miroitantes, des éperlans tout petits et frétillants, des plis au ventre large et plat, des raies à longue queue, des crabes rampants à l’aspect hideux dans l’obscurité.

Ce soir-là, cependant, Abel Horth, fils de Rémi, n’était pas descendu sur le « plain ».

Abel avait eu ses dix-sept ans à la Trinité. On eût dit un homme fait. Il était déjà grand, avec des épaules larges, des membres longs et une poitrine qui remplissait tout le tricot de laine brune.

Les traits forts n’avaient rien de caractéristique, à l’exception de la bouche au sourire charmeur qui donnait à toute la physionomie une expression d’irrésistible bonté.

Les yeux, très noirs, étaient couverts de sourcils touffus que l’on n’avait jamais vus se froncer. La barbe, déjà, commençait à pousser. Et, tout jeune qu’il fût, Abel avait la réputation d’un pêcheur habile. N’était-il pas, à la dernière pêche du Nord, arrivé deuxième barge ?

Ce midi-là, de retour de la pêche, c’est à pas lourds qu’il avait remonté la longue côte menant du banc au chemin du roi. Il demeurait à quelques arpents à l’est du calvaire, sur la falaise.