Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/159

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était seule ; s’il entendait venir quelqu’un, il se levait et s’en allait bien vite, en repassant la canne dans sa main gauche.

De sorte que jamais on ne le voyait chez madame Thélissier, ou du moins rarement, et pourtant il y venait tous les jours.

Malvina ne se doutait de rien, et comme elle évitait de prononcer le nom de M. Dorimont, parce que ce nom la faisait rougir, elle ne s’apercevait pas qu’on ne parlait jamais de lui ; elle croyait que ce silence venait d’elle, et elle ne songeait pas à s’en étonner.

Tancrède était heureux ; il était aimé, on ne le lui cachait pas ; mais il y avait encore loin de l’aveu chaste qu’il avait obtenu, au bonheur cruel qu’il ambitionnait.

— Cette petite femme-là qui paraît si naïve, pensait-il, sera très-difficile à entraîner.

Il avait raison. De nos jours, il n’y a plus que la candeur qui soit farouche.

— Cette situation est insupportable, se dit-il un jour ; je ne puis pas vivre plus longtemps dans cette incertitude, et d’ailleurs ma canne ! il faut bien l’employer.