Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/242

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À l’heure poétique où le jour qui décline
Étend un voile rouge aux bords de l’horizon,
Quand l’oiseau qui chantait joyeux sur la colline
S’endort dans le buisson,

Mon Ange m’apparaît !… Mais, comme dans un rêve,
Ses traits sont recouverts d’une blanche vapeur ;
Il me semble qu’alors dans ses bras il m’enlève,
Et quelquefois j’ai peur.

Et je passe ma main sur ma tête brûlante !
Ma voix d’émotion devient toute tremblante,
Et je dis à mon Ange : « Oh ! parle ! parle-moi !…
» S’il ne faut que mourir pour être ton amie,
» Va ! tu peux à ton gré disposer de ma vie,
 » Car ma vie est à toi !…

» Mais, hélas ! je ne suis qu’un enfant de la terre
» Et toi, dont l’existence est un divin mystère,
» Toi, que la brise endort dans un palais d’azur,
» Pourras-tu bien m’aimer ?… Oh ! j’en ai l’espérance :
» Fils des cieux, mon amour parfumé d’innocence
 » Doit plaire à ton cœur pur !…

» Sans toi j’aurais passé solitaire, incomprise,
» Dans ce vallon de pleurs où le poëte brise
» Son âme à chaque pas ; vers l’immortel séjour
» Souvent j’aurais tourné mes yeux pleins de tristesse,
» Et j’aurais vu pâlir les fleurs de ma jeunesse
 » Avant la fin du jour…

» Sois béni !… Mais pour fuir aux sphères éternelles,
» Déploierais-tu déjà tes transparentes ailes ?