Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV


Accoudé au balcon de la pharmacienne, l’agent voyer s’étonnait que la chambre ne fût pas, comme son bureau, sous la menace perpétuelle du soleil. Au lieu d’être réglés impitoyablement par ce globe de balancier qui battait, une fois par jour, de Beaume campagne à Beaume ville, le matin et le soir semblaient naître ici d’eux-mêmes, comme les buées sur l’étang, se pénétrant et se déformant sans violence. Si l’horloge avait sonné midi, vous seriez, sans en chercher plus long, parti pour le restaurant. La fenêtre était encadrée de cette vigne vierge, qui n’a pas de raisin, parce que le vin éclata, avant l’automne, dans ses feuilles pourpres ; sur les collines s’étalaient de larges flaques de soleil, qui séchaient peu à peu ; les petits jardins frileux se rapprochaient, si bien que l’on ne voyait plus que leurs clôtures, qui paraissaient sans portes, et des vaches, parquées sans doute du jour où l’on planta les haies, se battaient les flancs de leur queue.