Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/20

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dans la plaine. Les coqs des clochers s’amusent à pencher le plus possible sans ouvrir les ailes. Paysage un peu morne, car il a malhabilement choisi la teinte triste des couleurs les plus gaies, l’ocre pour les charpentes et les tuiles, pour les prairies et les feuillages un vert sombre de plantes grasses. L’herbe même a l’air immortel. Seules les Vosges, sur notre gauche, sont transparentes. Nous marchons jusqu’au soir et, selon le vent, il semble que là-bas la bataille se déplace brusquement, comme une chasse. J’ai toute la journée pour voisin Frobart, qui est de la même petite ville que moi, et qui m’entretient comme d’habitude de la brouille des Laroste et des Ferrand. Les lettres qu’il reçoit en sont pleines : Les Laroste ne saluent plus les Ferrand et cependant, c’est là l’énigme, M. Ferrand père continue à saluer la jeune Mme  Laroste.

À cinq heures, arrêt brusque. Dix minutes, un quart d’heure se passent. Nous crions, nous sifflons, comme un train qui demande la voie. Elle n’est pas libre. Un capitaine d’état-major arrive au galop et demande le colonel. Il a passé devant lui sans le voir, il le cherche dans mon escouade. Je le guide. J’apprends que l’on se bat fort du côté de Flaxlanden, sud-est de Mulhouse, et qu’il faut partir avec quatre compagnies, quatre restant