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Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/43

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RETOUR D’ALSACE

nette, dans la chambre d’une grande jeune femme à cheveux blonds qui sort du lit en criant. Puis elle sanglote ; on voit sa gorge, ses jambes, toute une franchise de réveil qui pousse le boucher à croire tout ce qu’elle dit : Elle n’a pas de lampe, elle a l’électricité, il n’y a personne dans le grenier, elle le jure. Elle dit tout cela en français, mais le boucher, pour bien comprendre, attend mon avis. Nous montons et trouvons, enfoui sous des couvertures, un homme que nous confions à la garde. Nous prenons deux otages, le vieux maire, qui vient sans résistance passer la nuit au presbytère et le jeune curé, qui proteste avec véhémence, bien que les soldats aient encore, épinglés à la capote, les Sacré-Cœur distribués à Paray-le-Monial. Ce matin, je vais aux informations et une voisine m’apprend que nous avons arrêté le faible d’esprit du village.

Vie de garnison toute la matinée. Je suis arrêté par mon adjudant des dernières manœuvres, avec lequel je dois prendre le café, et qui tente de m’apitoyer sur son échec de Saint-Maixent ; échec injuste ; on lui a demandé à l’oral ce qu’il pensait de Bensérade. Nous allons cueillir des pissenlits. Dans chaque champ, nous trouvons des cadavres de lièvres, mais inutilisables, gâtés en une heure. La chasse est le maximum de ce que