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Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/47

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RETOUR D’ALSACE

On pourrait le voir en effet du haut du clocher avec une jumelle marine, affirme le curé, qui affecte aussi de compter en milles marins — 15 — la distance qui nous en sépare. Pas un socialiste qui ne plaigne Déroulède. Ma compagnie, qui est de jour à la mairie, à cause des cartes, des globes, des affiches se sent plus que les autres à l’honneur. Rétoil, qui est marbrier au cimetière de Volvic et nous a promis à chacun sa meilleure inscription, grave en attendant dans le marbre de la cheminée :

16 août 1870 19 août 1914
Rezonville. Enschingen.

Sur la carte, où le pays annexé est en carmin, et la France en blanc, on passe au crayon rouge la France, que l’Alsace conquiert ainsi en une minute. Mon tambour, qui est de Bruère, le petit bourg du Bourbonnais où se dressait autrefois, raconte-t-il, le centre de la France, — il y a une colonne carrée faite de deux sarcophages romains trouvés aux environs — se réjouit que Bruère ait repris son rang, l’écrit à sa famille, essaye de l’expliquer au maire avec des ficelles tendues de Dunkerque à Perpignan… le maire ne comprend pas… l’Allemagne n’a pas de