naire de Truxillo, le ciboire posé sur deux Larousse arrachés chaque fois à Sophie Mayer, tous les éventails des Liméniennes et des Vénézuéliennes bruissant, à part une seconde pendant l’élévation. Le soir, quand l’ombre nous avait pris, par la tête, elle, nous empruntions son violon à un émigrant de seconde classe, et Naki s’accompagnait en chantant grec, « Un doux amour, une île belle » : ou bien : « C’est tout le portrait de son père ». Des Italiens sur la proue jouaient de la mandoline avec deux émigrants de Barcelonnette qui jouaient de l’accordéon. C’était l’heure où Nenetza suppliait qu’on allât dans l’entrepont voir les trois marmottes ; où le général ému me parlait de la France : il avait toujours désiré voir la petite butte devant laquelle la Loire renonce à aller vers la Manche et tourne à gauche. Du fauteuil vide s’élevait quelqu’un qu’on n’avait pas vu s’y étendre, et que nous ne connaissions que par un surnom, l’homme rat, ou la cantinière, ou un philosophe péruvien à barbe blanche qui discutait avec Mayer des méthodes de travail. Lui, dès qu’il voulait penser, au Pérou, il prenait le funiculaire et montait à cinq mille mètres. L’étoile polaire paraissait, et le Norvégien, d’une ligne droite parmi les cordages et sous les chaînes, faisait vers elle vingt pas rapides, réflexe des Scan-
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