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CHAPITRE QUATRIÈME

C’était la nuit. J’avais dû rester évanouie un jour entier, car aussi loin que pouvaient porter mes mains, je me trouvais sèche et tiède. J’eus l’idée de passer le bras à travers les planches du radeau : c’était la terre !

— Suzanne ! — criai-je.

Ce n’était pas seulement parce qu’il m’avait semblé, par ce sable, ces cailloux, retrouver la preuve de moi-même. Tant de fois j’ai heurté depuis la terre sans crier mon nom ! Mais c’était le mot que Nenetza prononçait à tout propos ; et toutes les manies de langage des amis qui étaient morts pour me sauver, le « Je vous promets » de Mademoiselle au lieu de « Je vous assure », le « péricliter » de Naki quand il voulait dire « perdre au jeu », toute cette nuit-là je les eus