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Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/118

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Je sais bien que la mort est au bout du chemin,
Qu’il me faudra cracher mes poumons, que l’espace
S’écroule, que je n’ai bientôt plus rien d’humain,
Et que l’herbe se fane aux endroits où je passe.

Mais qu’importe ? je vais, et toujours dans ma chair
Chaque lien imprime une rouge morsure ;
Qu’importe ? laissez-moi, mon supplice m’est cher,
J’aime à sentir le froid aigu de la blessure !

La cavale bondit, et plaines, monts et bois,
Lacs énormes, grands cieux, étoiles, avalanches,
Ténèbres et clartés, défilent à la fois ;
Les arbres effrayés se voilent de leurs branches.

Tout se confond ! Je vais, brisant en des baisers
Mes lèvres sur le corps houleux d’une maîtresse,
Criant et délirant, les traits décomposés,
Et mourant sous la main dont l’ongle me caresse !

Le monstre va plus vite ! — Ô nuages lointains,
Abîmes, océans, ô vagues en démence,
Vous fuyez devant moi, terribles, incertains ;
Mon regard s’obscurcit dans une nuit immense.

Parfois, dans ma terreur, il me semble sentir
L’aiguillon empressé qui mord et qui torture,
Je crie, et dans les airs ma voix va s’engloutir :
Plus vite ! encor plus vite ! oh ! la lâche monture !