Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/132

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Il faut jusques au bout soutenir son grand rôle ;
Hercule ne doit pas languir près d’un rouet ;
Aux pieds de Marguerite assis, Faust n’est qu’un drôle
Qu’on devrait corriger et châtier du fouet.

Mais sois calme, ô mon cœur ! ne crains pas qu’on surprenne
Ton orgueil, sur qui rien ne doit jamais régner
Qu’une noble lionne aux allures de reine :
Lorsque je t’ouvrirai, ce sera pour saigner ;

Lorsque j’aurai trouvé la griffe impérieuse
Que le destin forma pour mordre et déchirer,
Qui marche vers son but, rouge et victorieuse,
Et même en nous tuant nous force à l’adorer !

Jusque-là, jusque-là, dans ton indifférence,
Inaltérable et grave, ô mon cœur ! reste encor,
Respire les parfums cruels de la souffrance :
Le temps n’est pas venu de prendre ton essor.

Sache faire un bonheur de l’amère tristesse,
Dont les pleurs comprimés te brûlent lentement,
Accueille la douleur comme une vieille hôtesse,
Donne-lui la moitié de ton isolement.

Ne crains pas d’enfoncer les pointes du cilice,
Et de sentir ses dents te labourer la chair.
martyr glorieux, prolonge ton supplice,
Les vautours s’abattront sur toi du haut de l’air.