Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/133

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Mais tu t’endurciras dans ces luttes viriles,
Et l’atroce Chimère, arrachant ses cheveux,
Verra ses efforts vains, ses attaques stériles,
Et de rage tordra ses flancs durs et nerveux.

Le fer s’émoussera sur ton écorce rude ;
Ainsi qu’un vieux rocher, effroi des matelots,
Tu ne comprendras plus, blasé par l’habitude,
Les plaintes de la mer ni la voix des sanglots.

Et les bourreaux, lassés, auront peur de leur proie,
Et peut-être qu’un jour, de tant de maux soufferts,
Tu verras naître enfin la rayonnante Joie ;
Des fleurs croîtront pour toi malgré les noirs hivers.

Tu souriras, alors que de jeunes victimes
Lèveront vers le ciel leurs bras désespérés,
Ayant déjà gravi les plus altières cimes,
Ayant vu jusqu’au fond des enfers ignorés !

Alors, ô cœur sauvage ! aucune chasseresse
N’osera pénétrer dans ton antre béant,
Et tu pourras attendre ainsi, dans cette ivresse,
Le jour si désiré de l’éternel Néant !