Aller au contenu

Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


     Oui pourtant, je ferai des vers ! eh ! que m’importe
Que la fille, après tout, frappe ou non a ma porte ?
Pour une de perdue, on en retrouve cent.
Mais le vers amoureux, informe, vagissant,
Qui demande sa rime et qui n’a pas encore
Su trouver son chemin dans le rhythme sonore,
Le vers que l’on n’a pas dompté reviendra-t-il ?
Dites, saisirez-vous ce papillon subtil
Quand vous l’aurez laissé s’échapper dans la plaine ?
Que deviendra ce sylphe ailé fait d’une haleine
Qui, prenant dans les airs radieux son vol sûr,
Se sera brusquement dissipé dans l’azur ?
     Tous nos amours s’en vont, et toutes nos chimères
Nous quittent, vain jouet des brises éphémères !
L’amoureuse qui vient, demain repartira,
Mais le vers glorieux et calme restera
Témoin de nos amours passés. Ô Muse ! ô mère !
Je sais qu’il est des gens trouvant ta coupe amère,
Qu’ont rebutés le fiel et l’absinthe du bord ;
Mais d’autres, roidissant leur cœur dans un effort
Sûr et victorieux, ont trouvé l’ambroisie
Qui parfume le fond de la coupe choisie.
Or, je suis de ceux-là. J’ai saisi, tout enfant,
La lyre que sa gloire immortelle défend
Des profanes regards, et qui devient de flamme
Pour qui la veut tenir sans que, soudain, son âme
Tressaille d’épouvante et d’angoisse ; et les dieux
Ont laissé leur splendeur visible pour mes yeux.
     Donc, ô rhythmes ! chantez et déroulez vos ondes.