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Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/234

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Ah ! j’aurais pu braver le mépris et l’insulte !
Mais du jour où j’ai vu se glisser dans nos rangs,
Parodiant nos vers, profanant notre culte,
Tout le blême troupeau des gauches ignorants,

Des pleurs me sont venus, et j’ai dit : Grande Lyre !
Ô la joie et l’orgueil de mes désirs pieux,
Je ne te ferai plus vibrer ; je me retire,
Puisque des histrions ont tutoyé les Dieux.

Et c’est par mon exil, et c’est par mon silence
Que je veux t’honorer désormais. Je vivrai
Loin des temples impurs où la foule t’offense,
Et l’on ne saura pas combien je t’adorai.

J’aime mieux, reprenant ma vie errante et sombre,
M’en aller, ignoré, traîner mon désespoir
Sur la route sans fin, et dans le ciel plein d ? ombre
Vers qui je lèverai les yeux, t’apercevoir.

Et là, mêlée au chant des sources et des branches,
Au chœur harmonieux des oiseaux sans effroi,
Je laisserai monter mon hymne aux ailes blanches
Vers toi, Lyre immortelle aux beaux accents ! vers toi ! »