Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/57

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rendre l’âme, certain enfin de ne pas guérir, il imaginait de grosses plaisanteries pour égayer sa jeune femme. Je le trouvai qui faisait avec un soin minutieux un théâtre de carton pour un enfant. Il y avait de deux côtés de sa chambre des bibliothèques qui étaient en même temps, par un agencement ingénieux, des caisses pour le voyage et des tablettes pour le séjour. Dans ces demeures de bois habitaient des poètes vêtus honorablement. Tel recueil de Théodore de Banville était relié en maroquin bleu ; tel livre de Victor Hugo était habillé de vélin blanc. Ces reliures si délicates, si craintives, avaient gardé leur fraîcheur à travers les plus étranges aventures. Ce témoignage manifeste de soin et de fidélité acheva de me gagner au pauvre bohème, revenu, hélas ! de toutes ses courses.

Albert Glatigny mourut le 16 avril 1873, dans sa trente-cinquième année. Il avait écrit :


…Que l’on m’enterre un matin
De soleil, pour que nul n’essuie,
Suivant mon cortège incertain,
De vent, de bourrasque ou de pluie.
Car n’ayant jamais fait de mal