Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/98

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Confession.



Je n’avais pas encor de barbe dans ce temps,
Et j’emplissais les airs de rires éclatants ;
De blondes visions florissaient dans mon âme,
Et je rêvais d’amour à vos genoux, Madame.
Mais vous n’en saviez rien, et moi-même ?… J’avais
Le cœur à vos côtés tout joyeux ; je rêvais,
Mais sans but, animé d’une extase sereine.
Le page Chérubin que berce sa marraine
Et qui dit sa romance enfermant ses beaux yeux
Me paraissait alors un grand audacieux.
     Vous aimais-je ? À présent que votre voix m’enivre,
Que voire seul aspect m’enchante et me fait vivre,
Madame, je n’ose encore le penser.
Non, ce n’est pas à vous que pouvaient s’adresser
Ces aspirations étranges, ces vertiges
Sans fin, illusions, miraculeux prestiges,
Orages précurseurs des orages du soir !
     Non ! j’aimais à venir auprès de vous m’asseoir,
Sans me dire pourquoi, sans le pouvoir comprendre ;
À voir vos longs regards tout étoiles répandre
D’humides diamants où brillaient des clartés ;
À sentir doucement tous mes sens agités,
Quand votre voix chantait, pure comme les brises
Qui baisent, en jouant, la fleur et l’onde éprises !