Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/99

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Mais ce n’était pas vous qu’en vous-même j’aimais.
Comment dire ceci ? Ce n’était pas vous, mais
Vous étiez une femme, et ma future amante
Vivait dans votre corps, adorable et charmante !
     Oui, pensais-je, elle aura, celle que j’aimerai,
Le front par ces regards limpides éclairé,
Cette lèvre d’enfant où la rose sommeille,
Cette gorge flexible a la neige pareille,
Cette taille semblable au serpent engourdi
Qui se ranime et joue alors que vient midi,
Et surtout, et surtout cette crinière blonde,
Nid de parfums où l’or étincelant abonde !
     Vous me parliez alors, et, comme dans l’encens.
Mes rêves s’élevaient bercés par vos accents ;
Presque mort et noyé d’ineffables ivresses,
Je sentais sur mon front d’invisibles caresses,
Et mon âme, que rien ne pouvait contenir,
Vivait en toi d’avance, amoureux avenir !
     Tel l’arbre dont la nuit a rafraîchi la sève
Accueille avec bonheur le soleil qui se lève,
Sans penser que bientôt ses feuilles se tordront
Sous des feux dévorants, que l’écorce du tronc
S’écartera brûlée et qu’il restera sombre,
Désolé, sans verdure éclatante et sans ombre,
Ainsi je saluais cette aube de l’Amour
Qui se levait en vous, sans songer à ce jour
De sanglots effrayants et d’angoisses amères
Que vous deviez m’offrir, ô pâles victimaires ?
Euménides du cœur, amantes qui deviez