rochers palpitent, les plantes se plongent plus avant dans ses eaux merveilleuses par un besoin de tendresses nouvelles… Le voyez-vous, Jeanne ?
Oui, je vois…
Maintenant, entendez-vous le bruissement des petites feuilles qui se volent des baisers ? Ce sont nos érables qui enlacent leurs feuillettes, c’est la race canadienne qui s’unit dans la caresse de son emblème… Entendez-vous, Jeanne ?…
Oui, je les entends…
Mais c’est moi qu’ils appellent, moi, le paria, moi !
Loin de son lieu natal, l’insensé qui s’exile
Traîne son existence à lui-même inutile.
Son cœur est sans amour, sa vie est sans plaisir.
Jamais pour consoler sa morne rêverie,
Il n’a devant les yeux le ciel de la patrie,
Et le sol sous ses pas n’a pas de souvenirs.
Non, je me trompe, car ils m’auront oublié. Qui, dans vingt ans, se souviendra d’Octave Crémazie ?
Qu’ai-je dit, malheureux ? Je viens d’anéantir ma dernière joie ! Tout s’en va avant moi ! Jeanne, vous aussi partirez, maintenant que vous savez mon nom. Je voulais tant vous cacher ce secret que mon cœur malade a trahi !
Partir, dites-vous, partir ? Mais vous n’en croyez rien ; partir quand je puis vous crier mon admiration sans craindre de trahir