Page:Gobineau - Adelaïde - 1914.djvu/37

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vous donne une minute. Ou moi, ou ce que je vous dis ! Répondez !

Adélaïde prononça les mots qui suivent en serrant les dents mais d’une manière fort distincte, et en même temps, elle regardait le jeune homme en face: le couvent, le déshonneur le plus complet, l’abandon de votre part, tout ! mais que cette femme ne triomphe pas !

La comtesse revint et la minute achevée:

— Hé bien ? murmura-t-elle.

Je ne dis pas que Frédéric joue ici un beau rôle; mais le sort ne donne pas toujours à choisir ce qu’on voudrait parmi les personnages de la comédie de la vie. Choisir ! C’était là fort mal aisé et je le donnerais en cent aux plus habiles; il était clair qu’en obéissant à Adélaïde, Frédéric n’avait ni la personne de la jeune fille, ni aucun des avantages de l’amour; mais, en désobéissant à la comtesse, il était déshonoré à tout jamais, perdu pour le monde, chassé certainement de l’armée, obligé de s’expatrier et il n’avait pas le sou, ce qui aggravait singulièrement la situation, ne perdez pas ce point-là de vue. Aussi sa perplexité peut-elle être peu héroïque, elle n’en est pas moins assez concevable.

Naturellement, ne sachant au monde quel parti prendre, il prit celui de perdre contenance et son nez rougit légèrement, ses yeux devinrent humides et il tira son mouchoir de sa poche pour se moucher. Ces différents symptômes produisirent sur les deux femmes des effets