Page:Gobineau - Adelaïde - 1914.djvu/38

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très contraires. Adélaïde sourit avec dédain et sortit de la chambre; la comtesse se posa en face de Frédéric et lui saisit la main.

— En retour, lui dit-elle, je vous pardonne tout, j’oublie tout, je ne vous retire rien du dévouement aveugle que depuis tant d’années je vous porte et que vous connaissez si bien ! je ne suis ni une sotte ni une bourgeoise. Eh ! mon Dieu, Frédéric, à mon âge on ne se sauve que par la bonté et l’indulgence. Vous étiez jeune... vous avez été entraîné autant qu’entraînant... tout s’oubliera.

Elle parla ainsi pendant une demi-heure sur le ton de l’affection la plus maternelle. Un autre genre de tendresse n’eût pas été de mise à ce moment et elle le comprenait comme elle comprenait tout. N’admirez-vous pas aussi avec quel art consommé elle avait supposé d’abord partie gagnée et ville conquise ? Frédéric eut bien l’idée de le contester, mais il perdit du temps à réfléchir à la meilleure manière d’essayer son opposition, et il se trouva, au bout d’un quart d’heure, si bien enguirlandé, paqueté, emballé, cloué dans sa caisse que... ce n’est pas qu’il n’eût par moments des spasmes et des soubresauts; mais rien de plus inutile ! Cet ange d’Elisabeth comprenait tout, excusait tout, ce n’était plus une amante irritée, ce n’était pas même une future épouse peu exigeante sur la théorie de ses droits, ce n’était pas une Ariane raccommodée avec Thésée par l’entremise de Bacchus,