Page:Gobineau - Adelaïde - 1914.djvu/49

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— Veux-tu que je le chasse ?

— Oui, répondit Frédéric.

Mon Dieu ! Ce n’est pas grand-chose qu’un oui, pas plus qu’un non, et il ne faut guère de temps pour émettre de pareils monosyllabes. Mais si vous voulez un peu vous représenter la nature pliante et molle de Frédéric, et ce qu’il lui avait évidemment fallu de tortures pour le hausser jusqu’à l’expression si nette et si absolue d’un désir, vous serez d’avis que jamais parole humaine n’a contenu plus de passion que ce oui-là.

Il était à peine prononcé que se tournant vers son partenaire et dégageant son bras du sien, mademoiselle d’Hermannsburg s’écria:

-Mon Dieu, mon cher Christian ! Comme vous me fatiguez ! Depuis un mois tout à l’heure, si je calcule bien, vous me répétez, chaque soir que Dieu fait la même chose ! Savez-vous ce qui en est résulté ? C’est, et je l’ai appris ce soir par hasard, qu’on prétend que je vous épouse ! Allons donc ! Faites-moi l’amitié désormais de me laisser tranquille et jusqu’à ce que ces bruits ineptes aient cessé tout à fait, je vous défends de me parler. Monsieur de Rothbanner, donnez-moi votre bras, s’il vous plaît.

Georges de Zévort se trouvait là et il entendit ces propos, avec vingt personnes aussi distinctement que je vous les dis; il n’eut que le temps tout juste d’étendre les bras pour y recevoir le pauvre Christian qui tomba comme foudroyé. On lui fit prendre un verre d’eau, on l’emporta chez lui; il en fit une maladie, je