Page:Gobineau - Adelaïde - 1914.djvu/50

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ne sais laquelle, et on prétend même qu’il en a contracté un tic nerveux incurable. Quand Madame de Rothbanner apprit les nouvelles, elle demanda de suite ce qu’était devenue sa fille, personne n’en savait rien. Seulement on l’avait vue prendre le bras de Frédéric. Ils n’étaient plus au bal ni l’un ni l’autre; le temps de s’en assurer, le temps d’appeler la voiture, le temps de la faire avancer à travers une queue interminable, tout cela dura et il se passa bien deux heures avant qu’Elisabeth exaspérée pût rentrer chez elle. Il lui fut impossible de savoir où était son mari, où était sa fille, toutes les portes étaient fermées à clef, excepté la sienne, et elle n’était pas femme à prendre ses domestiques pour confidents. Maintenant, je vous laisse vous la figurer, seule dans sa chambre, pendant cette nuit-là. Imaginez un peu l’état de cette âme toute domination, toute puissance, toute orgueil... Que de haine, n’est-ce pas ?

Le lendemain s’ouvrit, pour les deux coupables, un paradis d’enchantement. Toutes leurs passions satisfaites à la fois ! Victoire, vengeance, amour, bien-joué, tout cela formait la part d’Adélaïde; celle de Frédéric se composait d’une jalousie détruite, d’une atroce souffrance abolie, d’une passion arrivée par la résistance au dernier degré d’insanité et qui n’avait plus rien à souhaiter ! Nous ne pouvons guère nous représenter, nous autres gens paisibles, ce que peuvent être, ce que doivent être, ce que sont nécessairement les transports et les jouissances de fous pareils. Pour peu que les lois physiques s’appliquent à l’amour comme au reste