Page:Gobineau - Adelaïde - 1914.djvu/51

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des choses de ce monde, il est clair que la force d’expansion est en raison des obstacles qu’elle fait sauter et que la fille la plus aimante des romans bénins d’Auguste Lafontaine, le jour où elle épouse par-devant notaire le plus candide et le plus adoré des commis de Chancellerie, ne saurait l’aimer comme une Adélaïde ! Reste à savoir si l’amour d’une Adélaïde ne nous ferait pas nous-mêmes éclater comme une machine à vapeur mal construite. Du matin au soir, Frédéric et Adélaïde ne se quittaient plus. On les rencontrait dans les bois, pendus au bras l’un de l’autre. Cette fille singulière avait du goût pour tout, du talent pour tout. Elle lisait les vers comme personne, chantait comme autrefois la Sontag, donnait à la musique des sens que personne n’avait été chercher. De tout cela, après bien autres choses, elle grisait Frédéric et ils cueillaient ensemble des pervenches et des germandrées ! On rentrait tard pour dîner. On ne s’imposait aucune contrainte devant Elisabeth, et chacun sut par la ville que, décidément, cette chère Adélaïde s’était habituée à son beau-père; elle lui montrait beaucoup d’amitié; on félicita l’heureuse madame de Rothbanner qui, fière comme le cacique indien attaché par l’ennemi au poteau de torture, accueillait ces compliments avec le plus doux sourire.

Au bout d’un mois, la scène changea, Frédéric se dit à lui-même: je suis indigne de vivre

Entre nous, je crois qu’il était la machine à vapeur mal construite et pas trop capable de porter l’amour d’une