Page:Gobineau - Adelaïde - 1914.djvu/54

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— Parfaitement, répondit-elle; vous n’avez la force ni de me vouloir ni de renoncer à moi.

— Puis-je te vouloir ?

— Assurément non.

— Puis-je renoncer à toi ?

— Je puis renoncer à vous et je l’ai fait.

— Tu l’as fait ?

— Je me marie.

— Et c’est à moi que tu oses...

— D’abord vous savez qu’il ne m’est pas si difficile d’oser; vous, vous ne savez pas vouloir, moi j’ai cette science-là. Je me marie, vous dis-je, à un homme que j’estime, à un homme que j’aime et, tenez, au point où nous en sommes, je ne sais pourquoi je ne serais pas sincère, à un homme qui m’est plus cher que vous ne le fûtes jamais. Le mot est dit et je ne le retirerai pas.

En parlant ainsi, elle regarda fixement Frédéric, car le connaissant comme elle faisait, elle savait quel poignard elle lui enfonçait dans le plus profond du cœur. Ce coup-là le rétablit soudain en parfait équilibre avec lui-même. Jaloux, la passion dominante excitée le fit nager en pleine eau dans la volonté qu’elle suggérait et qu’il ne tirait jamais d’ailleurs. Furieux, il saisit Adélaïde par le bras:

— Aime-le, ne l’aime pas, si tu le revois, si tu le regardes, je le soufflette et je le tue !

— S’il se laisse tuer; mais de toutes manières il vaut mieux que vous. Pas de ces façons-là, M. de Rothbanner !