Page:Gobineau - Adelaïde - 1914.djvu/56

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être honnête à tes propres yeux et tu n’es pas assez inepte pour pouvoir jamais croire l’être devenu !

— Je te jure !

— Ne jure rien ou jure tout ce que tu voudras. Tiens, Frédéric, tu n’es qu’un lâche, mais lâche comme tu es, je t’aime ! je me rends et me rendrai toujours !

Vous le devinez bien: la pauvre fille ne voyait que trop juste et ne disait que trop vrai. Cette scène-là, ce raccommodement fut suivi de dix scènes en sens contraire qui en amenèrent dix autres contrastantes. La maison était un enfer, bien que les apparences fussent gardées toujours. On se douta bien au-dehors de quelque chose et je n’aurais pas conseillé à des bourgeois de mener cette petite vie; mais comme il n’y eut pas d’éclat bien clair, la bonne compagnie protégea les siens et le grand-duc, qui avait assez aimé le feu comte d’Hermannsburg, ne voulut jamais souffrir le moindre propos contre sa fille. Madame de Rothbanner fut sublime dans son genre; elle céda, ne pouvant mieux faire, et ne se découragea jamais. Il en résulta quelque chose d’assez bizarre et qui aurait pu surprendre également les deux femmes; à force de lutter ensemble et de se trouver également inépuisables en ressources, en haine, en courage, elles prirent l’une pour l’autre cette estime secrète que l’énergie inspire aux gens énergiques même les plus ennemis et, en outre, elles se trouvèrent un beau matin absolument unies dans l’intensité du même mépris pour ce pauvre Rothbanner.

Je les ai tous connus dans un